BE:KULT
  • Home
  • About
  • Artists
  • encounters

UNDERBELLY / LARA TABET

2/7/2019

0 Comments

 


​BEYROUTH POST-MORTEM

Par Nasri N.Sayegh


Paysages Interlopes. Le drame se noue à l’interstice de la ville, à la commissure des périphéries ; ceinture nouée autour du cou des faubourgs, à l’endroit même où le corps s’interdit tout droit de cité ; là-même où Lara Tabet, photographe-légiste, sévit. Pris en flagrant désir, nimbé d’obscur, le corps objet se fait crépuscule. Mis en morts, les corps de femmes, lacérés de lumières, peuplent les paysages interlopes de Lara Tabet. Inertes, ces sans-vie jonchent le ventre d’une ville grossie de ses propres cadavres. Mortes. Silencieuses. ​
Implacables fémicides. L’enquête photographique de Lara Tabet prend source dans le roman de Roberto Bolaño, « 2666 ». Dans les pages du poète chilien, la ville mexicaine de Santa Teresa est ravagée par des assassinats de femmes ; Bolaño s’inspirant lui-même d’une série de meurtres commis dans les années 90 à Ciudad Juárez au nord du Mexique. Dans le roman, les meurtres sont décrits, les uns après les autres, de manière clinique, par Bolaño. Implacables ; inexpliqués, les fémicides composent leur propre nécrologie. Dans la même veine, Lara Tabet transpose la trame mexicaine dans les lieux interdits de Beyrouth. Ports, chantier de construction, hangars abandonnés, les terrains se font vagues et les corps s’échouent à l’endroit où le regard se fait interdit.
Ci-gît la Grand ‘Image photographique. Mis en chambre – Lara Tabet commet ses crimes argentiques à l’aide d’un appareil grand format – les corps de femmes se retrouvent abandonnés dans des espaces bouffis d’obscurité. S’inspirant de / rendant hommage à / la photographie forensique d’Arthur Fellig (1899-1968), plus connu sous le pseudonyme de Weegee, Lara Tabet repense l’histoire de la photographie; ou comment le crime semble avoir quelque peu façonné cette dernière. Gros plans, flash aveuglants, noirs et blancs aux contrastes spectaculaires, le célèbre photographe américain dresse le portrait de sa ville de prédilection –New York– à travers sa vie nocturne, ses frasques et/ou autres incidents sordides ou tragiques. En palimpseste, Docteure Tabet – Lara est par ailleurs pathologiste clinique – scrute les paysages-décors mortuaires de la ville et les transmue à son tour en tableaux épiques. En toute évidence de cause, les preuves s’accumulent, accablant la cité d’un mal inconnu. Jouxtant ses images, les preuves forensiques s’exhibent. Échantillons de sperme, d’urine, de salive – liquides corporels utilisés en criminalistique – l’imagerie médicale passée au crible du microscope dresse le profil d’un éventuel suspect.   
 
Mais le mal vient de plus loin. Dans ce Beyrouth dystopique, la mort, atavique, fauche inexorablement ses victimes. « Underbelly » – bas ventre / sous-terrain – car le mal semble sourdre du ventre même de la cité. Damnées, à l’image des corps échoués de Bolaño, les mortes de Lara Tabet semblent victimes d’un mal sous-jacent, larvé. Violences faites aux corps et aux paysages, la photographe agite, transgresse les consciences dans une tentative de réappropriation de l’espace. Recherche sur la liminalité, odyssée dans les marges du perceptible, Lara Tabet compose dans « Underbelly » un furieux requiem pour la ville d’Eros et de Thanatos.  
  
Picture
Lara Tabet by Heriman Avy


​‘UNDERBELLY’, LARA TABET
JUSQU’AU 20 FÉVRIER 2019 
GALERIE JANINE RUBEIZ

Raoucheh, 1st Avenue, Charles de Gaulle
Majdalani Building

Renseignements info@galeriejaninerubeiz.com / www.ltabet.com

0 Comments

    be:kult encounters

    February 2019

    RSS Feed

Powered by Create your own unique website with customizable templates.
  • Home
  • About
  • Artists
  • encounters